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Ministère des Collectivités territoriales, de l'Aménagement et du Développement des Territoires

CONTEXTE ET JUSTIFICATION

Depuis 1872, date de la création de la commune de Saint-Louis, le Sénégal s’est lancé dans un processus irréversible de renforcement continu de la décentralisation. Ce processus a conduit fondamentalement à deux réformes majeures réalisées respectivement en 1972 et en 1996. La première réforme de 1972 pose « l’acte précurseur des libertés locales plus affirmées, avec la création des communautés rurales, la promotion de la déconcentration et la régionalisation de la planification ». Réalisée en 1996, la deuxième réforme, « dans le souci d’accroitre la proximité de l’Etat et la responsabilité des collectivités locales », consacre la régionalisation avec notamment l’érection de la région en collectivité locale, la création des communes d’arrondissements, le transfert aux collectivités locales de compétences dans neuf domaines, l’institution, comme principe, du contrôle de légalité a posteriori et la libre administration des collectivités locales. A la pratique, cette politique de décentralisation au Sénégal, en particulier entre 1972 et 2012, a permis d’engranger des avancées administratives et institutionnelles indéniables. Mais beaucoup de limites pèsent encore sur sa mise en œuvre. Il s’agit notamment de :

Des faiblesses objectives du cadre institutionnel et organisationnel de la décentralisation pour la promotion du développement territorial ;

‣ La faiblesse de la politique d’aménagement du territoire limitée par une architecture territoriale rigide ;

‣  Du manque de viabilité des collectivités locales et de valorisation des potentialités de développement de ces territoires ;

‣  La faiblesse de la gouvernance locale accentuée par une multitude d’acteurs avec des préoccupations parfois différentes ;

‣  La faiblesse de la coproduction des acteurs du développement territorial qui induit fortement l’inefficacité des interventions ;

‣  L’incohérence et l’inefficience des mécanismes de financement du développement local accentuées par l’insuffisance des moyens.

Le contexte et la faiblesse de ces politiques et stratégies de développement appliquées jusque là, entrainent la nécessité d’initier des alternatives susceptibles de corriger les déficiences et de réaliser des progrès significatifs à l’échelle nationale et un développement local harmonieux et durable.

C’est pourquoi, le Chef de l’Etat a demandé, lors du conseil des ministres délocalisé tenu à Saint Louis le 7 juin 2012, de faire le bilan de la politique de décentralisation au Sénégal afin d’ouvrir un chemin pour un véritable développement.

Il a réitéré les mêmes instructions lors du conseil des ministres tenu à Ziguinchor le mercredi 27 juin 2012, en lançant « l’option de territorialisation des politiques publiques, d’organiser le premier conseil interministériel de l’administration territoriale et diligenter l’élaboration et la mise en œuvre du projet territorial de l’État en Casamance pour faire de cette région le territoire test de cette nouvelle politique ».

Dans le communiqué du conseil des ministres tenu le jeudi 17 janvier 2013, il est indiqué également qu’il faut « asseoir une véritable politique de développement et de mise en valeur des potentialités des territoires, à l’horizon 2022 et élaborer une Loi d’Orientation pour le Développement durable des Territoires (LODT) ».

C’est à cet effet que Monsieur le Président de la République a indiqué clairement l’option de « construire, dans le cadre d’un dialogue consensuel et prospectif, le renouveau de la modernisation de l’Etat, à travers une décentralisation cohérente dans ses principes et performante dans sa mise en œuvre ». Aussi, le Gouvernement opte-t-il pour « la refondation majeure de l’action territoriale de l’Etat à travers le projet de réforme dénommé « Acte III de la décentralisation ».

LA VISION ET LES OBJECTIFS

La vision du Chef de l’Etat, qui guide la mise en œuvre de l’Acte III de la décentralisation, est d’« organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022 ». A cet égard, l’objectif général consiste à élaborer une nouvelle politique nationale de décentralisation qui permet d’asseoir des territoires viables et compétitifs, porteurs d’un développement durable.

Spécifiquement les objectifs poursuivis sont :

construire une cohérence territoriale par une réorganisation de l’espace et l’émergence de pôles de développement ;
assurer la lisibilité des échelles de gouvernance territoriale en clarifiant les relations entre les acteurs et en articulant les compétences à transférer aux ressources techniques, financières et humaines ;
améliorer les mécanismes de financement du développement territorial et de la gouvernance budgétaire pour un véritable développement économique et social de nos territoires.

LES RESULTATS DE L’ACTE III DE LA DECENTRALISATION

La communalisation intégrale

Toutes les communautés rurales et les communes d’arrondissement seront érigées en communes, premier ordre de collectivité locale au Sénégal. Cette option répond à l’impératif d’une gestion de proximité des problèmes des populations et une participation des acteurs locaux à l’impulsion et à la mise en œuvre des stratégies de développement territorial.

Le statut communal se renforce avec la communalisation intégrale, et ainsi la « communauté rurale » disparait dans l’architecture de notre décentralisation.

Alors de nouvelles opportunités sont ainsi offertes aux collectivités locales de base, notamment celles du monde rural, d’améliorer, par des équipements, la plate forme minimale des infrastructures socio économiques de base, de recruter du personnel qualifié, d’accéder facilement aux financements des partenaires au développement et de la coopération décentralisée. En outre, cela permet un meilleur aménagement de l’espace rural.

Enfin, la communalisation intégrale permettra à notre pays d’harmoniser son architecture avec ce qui se fait au niveau de la sous région voire de l’Afrique.

Le département, collectivité locale.

Le département est érigé en collectivité locale en même temps il reste circonscription administrative. Le découpage des départements au Sénégal recoupe, dans bien des cas, le tracé des anciens royaumes ou provinces. La recherche, d’un espace vécu comportant une homogénéité socio- culturelle et économique et un fort sentiment d’appartenance, justifie le désir de réinvestir le département afin d’en faire un vecteur pour une bonne politique de décentralisation.

En comparaison au découpage régional, il est ici recherché des valeurs idéelles et symboliques très fortes porteuses de sentiments d’appartenance et d’identification. Les liens sociologiques entre l’acteur et son espace sont des opportunités pour construire de nouveaux espaces politiques fondés sur une autonomie réelle, une démocratie et une participation citoyennes et une administration de proximité.

Ce niveau correspond donc à une réalité historique et offre l’avantage de former des entités territoriales intermédiaires favorisant une gouvernance locale et un développement territorial mettant en synergie des communes partageant un vécu et des potentialités spécifiques dans une dynamique d’intégration rural-urbain.

La suppression de la région, collectivité locale, et la création des pôles de développement économique

L’aménagement du territoire répond à un impératif de rééquilibrage des investissements sur les territoires en fonction des spécificités mais avec une vision globale du développement, prenant en compte l’équité, la solidarité, notamment dans le traitement des villes, des zones rurales, transfrontalières et éco géographiques. La réorganisation territoriale doit répondre aux enjeux et objectifs de développement. L’organisation actuelle des régions, collectivités locales, présente des faiblesses du point de vue de leurs possibilités à vraiment se prendre en charge dans les domaines du développement économique et social. C’est ce qui justifie leur suppression. Il faut réorganiser le territoire en pôles de développement en fonction des réalités éco géographiques. Cela offre un cadre plus rationnel et cohérent de contrôle territorial et d’impulsion du développement économique car il repose sur les exigences d’aires territoriales homogènes au plan socioculturel, éco géographique et économique.

L’acte III, le pari d’une approche développement économique

Une bonne politique de l’aménagement du territoire induit l’intégration de la dimension territoriale dans les planifications économiques et sociales, et le rééquilibrage des investissements selon le principe d’équité et de solidarité. A cet égard les paramètres suivants sont à prendre en compte :

Les potentialités et vocations des territoires sont des opportunités d’élaboration et de mise en œuvre des projets de territoires (mise en œuvre articulée avec les PASER et les PASED) ;
Promotion du partenariat public privé avec une information territoriale fiable et des projets de territoire pertinents ;
Centralité du territoire, support de la territorialisation des politiques publiques ;
Organisation en pôles de développement économiques.

Les acteurs territoriaux

Dans le cadre d’un processus multi-acteurs, la solidarité, la synergie des interventions dans le cadre d’une co production et de la territorialisation des responsabilités restent des indicateurs importants pour une action territoriale performante. Il faut à cet égard :

Une réhabilitation de la déconcentration à travers les autorités administratives dans leur rôle d’interlocuteurs territoriaux ;
Un renforcement de la décentralisation avec plus de responsabilité des territoires notamment des élus, la société civile et le secteur privé local ;
Une clarification des rôles et responsabilités de chaque acteur et une simplification des échelles de gouvernance territoriale.

Le financement dans l’Acte III de la décentralisation

Les propositions suivantes sont ainsi formulées :

Pour la fiscalité locale, associer les Collectivités locales (CL) aux opérations des différentes phases de la chaîne fiscale : maîtrise et fiabilité de l’assiette, recouvrement, contentieux etc.
Une collaboration des sociétés concessionnaires de l’eau, de l’électricité et de téléphone avec les CL ;
Une décentralisation de la chaîne fiscale en créant des centres fiscaux dans les départements ;
La mise en place d’un fonds de solidarité des CL à alimenter par la TRIMF, la taxe sur les exploitations minières, une quote-part sur les péages d’autoroutes, quais et bacs, les nuitées d’hôtel, les transferts d’argent etc.
L’amélioration des critères de répartition du FDD et du FECL (population, superficie, enclavement, statistiques scolaires et sanitaires, pauvreté etc.) ;
L’augmentation du FDD et du FECL (indexation progressive de la TVA jusqu’à 15 %) ;
La réduction des délais de mise à disposition des ressources du FDD ;
La généralisation du BCI aux compétences transférées ;
L’exploitation au maximum des opportunités de la coopération décentralisée ;
L’emprunt avec tout l’encadrement et l’appui nécessaires par l’Etat ;
La mise en place d’un dispositif de mise en cohérence des interventions des PTF pour optimiser leur impact et assurer leur équité territoriale (par exemple mettre à profit la Conférence d’Harmonisation).

Les mesures d’accompagnement

la responsabilisation, plus que par le passé, des collectivités territoriales dans la gouvernance locale ;
le renforcement des moyens et les capacités des collectivités territoriales en mettant en place des mécanismes de financement pertinent et efficient ;
la rationalisation de la répartition des compétences à transférer entre l’Etat et les Collectivités territoriales ;
le transfert effectif des ressources concomitamment aux compétences transférées ;
la mise en œuvre effective de la loi sur la fonction publique locale ;
la nécessité de dégager de meilleurs critères pour la répartition du FDD et du FECL ;
une bonne stratégie de formation des acteurs de la décentralisation ;
la promotion de l’intercommunalité et la coopération décentralisée. Sur le plan juridique et institutionnel, un projet de loi portant nouveau Code général des Collectivités locales a été élaboré et adopté parle l’Assemblée nationale. Ce document unique intègre toutes les dispositions relatives notamment aux compétences à transférer, aux cumuls et aux incompatibilités, aux relations entre la ville et les communes nées de la suppression des communes d’arrondissements.

Perspectives pour l’Acte III de la décentralisation

Dans la deuxième phase de l’Acte III de la décentralisation, les activités suivantes seraient déroulées :

Une fiscalité locale pour le département, nouvelle collectivité locale ;
la nécessité d’aller vers des pôles développement économiques ;
les corrections des distorsions territoriales à des fins de viabilité économique des territoires ;
le transfert d’autres compétences dans les domaines notamment de l’agriculture, l’élevage, l’hydraulique, la pêche, le tourisme ;
l’augmentation progressive des pourcentages indexés sur la TVA pour l’alimentation du FDD et du FECL jusqu’à 15% ;
la généralisation progressive du BCI conformément aux orientations de Monsieur le Président de la République.

Cette réforme majeure de notre politique de décentralisation contribuera à renforcer les responsabilités des collectivités locales mais aussi et en même temps le pouvoir des autorités déconcentrées dans le sens d’une synergie d’actions concertées entre acteurs territoriaux dans le seul but de permettre un développement économique et social à la base. L’Acte III de la décentralisation va, sans conteste, favoriser la création d’emplois et de richesse, et ainsi lutter contre la pauvreté et participer à la promotion d’un Sénégal émergent.

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